Rapport - Accès aux droits et aux services publics en Guyane

02 mars 2017

  • Accès aux droits
  • Services publics

Au regard, notamment, des réclamations traitées par ses délégués, des observations et des rapports qui lui ont été adressés par des responsables associatifs, le Défenseur des droits s'est intéressé à l'égalité d'accès aux droits et aux services publics en Guyane.

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La Guyane, collectivité  territoriale aux nombreuses singularités géographiques et humaines, doit faire face à des enjeux d’aménagement de territoire, dans un contexte de croissance démographique et de ressources budgétaires insuffisamment optimisées pour rendre accessible les équipements et les services publics qu’une population française est en droit d’attendre.

Des mouvements successifs de peuplement en Guyane caractérisent sa démographie marquée par la diversité ethnique, l’ouverture à l’altérité et une réelle cohésion inter-communautés. La création d’une maison des cultures et des mémoires de la Guyane est, dans cette configuration, un atout incontestable pour promouvoir les diversités, la mémoire, le patrimoine et l’identité.

Au fil du temps, la Guyane a connu le développement de l’immigration de réfugiés. Les liens culturels entre les différentes communautés ont été supplantés progressivement par des obligations d’ordres administratif et économique. Par ailleurs, avec seulement 37% de natifs guyanais, les flux continus d’immigration irrégulière modifient les équilibres sociologiques.

Les Amérindiens de Guyane, « peuples premiers », interpellent en permanence l’Etat sur le principe de l’égalité devant la loi qui, à leur égard, est insuffisant appliqué compte tenu de leur situation minoritaire, ce qui les expose à des discriminations. Un trouble identitaire s’est emparé de ces populations, surtout les jeunes, trouble amplifié par un sentiment d’humiliation que des conditions dégradées d’accès aux droits et aux services publics accentuent

Ces populations vivent difficilement au quotidien un ensemble de paradoxes, qu’il s’agisse du sort de leurs terres collectives, de leurs artisanats, des produits de la chasse, de l’état sanitaire des rivières, source principale de leur alimentation, ou de l’exploitation des savoirs ancestraux et des ressources biologiques, examinée dans la récente loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. En somme, il s’agit de préserver l’équilibre fragile entre progrès et protection de leur identité et de leurs coutumes. Leurs enfants sont les premières victimes. La hausse de suicides (taux 20 fois supérieur à la métropole, ¾ concernant des enfants), le décrochage scolaire (9% des élèves quittent l’école avant la classe de 3ème), la mortalité infantile (8,8% contre 3,5% en métropole) en sont des marqueurs objectifs.

La Guyane doit faire face à une situation démographique exceptionnelle. Les projections à l’horizon 2040 prévoient un doublement de la population. Pour relever le défi de cette croissance, toutes les infrastructures et les équipements publics devront être redimensionnés, sachant qu’une proportion significative de la population, 15% à 20%, ne bénéficient pas encore des infrastructures élémentaires (eau potable, électricité téléphone, logement). La faiblesse des réseaux numérique et énergétique est source de problèmes récurrents. Le maillage électrique reste à conforter en installant notamment des unités de production. C’est dans ce cadre que s’instruit le projet de Biomasse-bois destiné à produire le courant électrique de Saint Georges de l’Oyapock, commune très étendue et qui n’est pas reliée au réseau EDF. Actuellement, la puissance délivrée par le groupe électrogène est insuffisante et les coupures de courant sont quotidiennes au détriment des habitants, des écoles, des centres de soins. Par ailleurs, l’impossibilité de se raccorder à EDF rend caduque l’espoir de voir un jour démarrer une activité dans la zone artisanale de cet espace du Sud-Est de la Guyane en limite du Brésil.

Pour assurer son développement, la Guyane doit pouvoir compter sur le potentiel de sa jeunesse. En effet,  la Guyane rajeunit. 47,5% des Guyanais ont moins de 21 ans. Mais, force est de constater que beaucoup de jeunes sont déçus face à un avenir incertain. Le taux de chômage  des jeunes est de 44,8%, selon les données de l’INSEE. De surcroît, la Guyane se trouve sur la route des trafiquants de stupéfiants et une délinquance de type sud-américaine se développe. Sa jeunesse en subit directement les conséquences.

La Guyane présente une frontière terrestre avec l’Amérique du Sud. Son identité sud-américaine constitue une opportunité pour une coopération régionale avec le Nord-Est de l’Amérique du Sud. Si, en matière d’indicateur de développement humain, la Guyane se situe bien après la Martinique et la Guadeloupe, au sein de son environnent régional d'Amérique du Sud, elle apparait plus favorisée, selon les études de l’Agence Française de Développement, se hissant au premier rang du niveau de vie en Amérique du Sud. 

La coopération de proximité avec le Brésil se fait avec l’Etat d’AMAPA avec lequel la Guyane partage une frontière de 700 km, essentiellement constituée par le fleuve de l’Oyapock. Le pont de l’Oyapock s’inscrit ainsi dans un projet de désenclavement de la Guyane et d’échanges commerciaux. L’ouverture attendue du pont devrait être l’occasion d‘accélérer le dialogue avec le Brésil afin que s’engagent effectivement des coopérations sanitaire et sécuritaire adossées aux coopérations économiques à venir.

La Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) a succédé au Département et à la Région de Guyane dans tous leurs droits et obligations. Son régime législatif est le droit commun avec possibilité d’adaptation par l’Etat ou elle-même, en vertu de l’article 73 de la Constitution du 4 octobre 1958.

Pour assurer ses compétences, la Collectivité Territoriale de Guyane est à la recherche de financements pour ses programmes d’investissements, dans un contexte de dégradation de sa situation financière, comme de celles des communes. Un document contractuel, en cours de validation,  « Pacte pour l’avenir de la Guyane », entre l’Etat et les collectivités locales de Guyane, en premier rang la CTG, détermine les priorités et les moyens qui pourront être engagés d’ici 2025. Dans ce cadre, en consentant des prêts et en accordant sa garantie financière, l’Etat prend en considération le redressement financier que doit assurer la Collectivité  territoriale de Guyane, afin de l’accompagner dans sa montée en puissance.

Ce contexte en Guyane, ainsi précisé, conditionne l’appréciation du Défenseur des droits pour traiter de l’égal accès aux droits et aux services publics.

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