
La confiance police-population : les enseignements d’une enquête en population générale au prisme des contrôles d’identité et des dépôts de plainte
24 juin 2025
Le Défenseur des droits publie aujourd’hui le premier volet de son enquête Accès aux droits 2024, consacré à la déontologie des forces de sécurité. Cette étude offre un éclairage inédit sur deux moments clés de l’interaction entre la police et la population : les contrôles d’identité et les dépôts de plainte. Des expériences vécues qui ont un impact direct sur la confiance de la population dans les forces de sécurité.
Contrôles d’identité : plus de personnes concernées et des pratiques différenciées selon les publics
En 2024, 26% des personnes interrogées déclarent avoir été contrôlées par les forces de sécurité au moins une fois au cours des cinq dernières années, contre 16 % en 2016. Ces contrôles concernent désormais toutes les catégories sociales, y compris les cadres (+81 %), les personnes âgées de 55 à 64 ans (+148 %) ou les personnes perçues comme blanches (+79 %).
Cependant, l’intensité et la nature des contrôles demeurent très différentes selon les profils. Les jeunes hommes perçus comme noirs, arabes ou maghrébins ont quatre fois plus de risques d’être contrôlés que le reste de la population, et douze fois plus de risques de subir un contrôle « poussé » (palpation, fouille, conduite au poste…), des résultats qui suggèrent l’existence de pratiques discriminatoires.
Par ailleurs, près d’une personne contrôlée sur cinq rapporte des comportements inappropriés (tutoiement, insultes, brutalités), sans que ces faits donnent lieu à des recours : seuls 8 % des personnes concernées ont tenté de faire reconnaître ces situations.
Dépôts de plainte : un accès au droit encore inégal
Plus d’un tiers des répondants ont cherché à déposer une plainte ou une main courante au cours des cinq dernières années. Mais 21 % d’entre eux se sont heurtés à un refus, alors que la loi impose aux policiers et gendarmes de recevoir les plaintes des victimes d’infractions.
Ces refus sont plus fréquents pour :
- les personnes en situation de handicap (37 %),
- les personnes portant un signe religieux (33 %),
- les personnes au chômage (30 %),
- les personnes perçues comme noires, arabes ou maghrébines (28 %).
Par ailleurs, 10 % des personnes ayant voulu déposer plainte rapportent des comportements inappropriés. Le fait d’être en situation de handicap, jeune ou perçu comme non blanc augmente significativement le risque d’être exposé à de tels comportements.
Ces pratiques, contraires aux règles de déontologie, traduisent des ruptures dans l’accès aux droits selon les profils des individus ou la manière dont ils sont perçus.
Confiance dans la police : un lien direct avec les expériences vécues
L’étude met en évidence un lien étroit entre la qualité des interactions vécues et la confiance accordée à l’institution policière.
Aujourd’hui, 50% des personnes se disent confiantes ou rassurées en présence de la police ou de la gendarmerie. Ce taux de confiance est de 51 % parmi les personnes qui ont eu l’expérience d’un dépôt de plainte sans difficulté, et de 53 % parmi celles qui ont été contrôlées et se sont vues expliquer les raisons du contrôle.
À l’inverse, quand les personnes ont vécu des expériences négatives, cette confiance chute :
- 37 % pour les personnes dont le dépôt de plainte a été refusé
- 17 % pour celles déclarant avoir subi une discrimination lors d’un contrôle
Autrement dit, les expériences vécues structurent directement la perception de l’institution policière : quand les droits sont respectés, la confiance se maintient ou se renforce ; lorsqu’ils sont remis en cause, elle s’effondre.
Des pistes concrètes pour restaurer la confiance
« Cette enquête permet de nommer les dysfonctionnements, pour mieux y remédier. Restaurer la confiance est dans l’intérêt de tous : citoyens comme forces de sécurité », affirme Claire Hédon, Défenseure des droits.
Cette enquête permet au Défenseur des droits de proposer des solutions concrètes pour que chaque agent soit mieux formé, mieux encadré, et soutenu dans une pratique du métier plus juste, plus équitable, et pleinement conforme à l’éthique républicaine. Au-delà du constat qu’elle pose, cette enquête vise à favoriser la mobilisation de différents leviers pour restaurer la confiance.
La Défenseure des droits rappelle ses recommandations concrètes :
- Assurer la traçabilité des contrôles d’identité par tous moyens.
- Renforcer la formation initiale et continue des forces de sécurité.
- Mieux encadrer les pratiques de contrôle, via une doctrine claire et des retours d’expérience.
- Garantir l’effectivité des recours, y compris en facilitant l’accès aux preuves (caméras-piétons, rapports).
- Valoriser la mission d’accueil en commissariat et gendarmerie, en particulier pour les publics vulnérables.
Une étude rigoureuse au service du débat public
L’enquête repose sur un échantillon de 5 030 personnes âgées de 18 à 79 ans. Réalisée par Ipsos entre octobre 2024 et janvier 2025, elle croise les expériences selon l’âge, le genre, l’origine perçue, la situation sociale ou le lieu de résidence, dans une approche intersectionnelle. L’enquête a été élaborée avec l’appui d’un comité scientifique.
Ce volet constitue le premier d’une série de publications sur l’accès aux droits, à paraître jusqu’en 2026 (services publics, discriminations, droits de l’enfant, publics vulnérables).
