Accès et fonctionnement des services de l’état civil et de la nationalité française à Mayotte : la Défenseure des droits relève des atteintes aux droits majeures

31 juillet 2025

Lors de deux déplacements à Mayotte en 2023 et en 2024, ainsi qu’à l’occasion de l’examen des réclamations que l’institution reçoit et des constats faits par ses délégués sur place, la Défenseure des droits et ses services ont relevé des difficultés dans l’accès et le fonctionnement des services en charge de l’état civil et de l’examen des demandes de nationalité française.
Après une instruction approfondie, la Défenseure des droits publie une décision confirmant de multiples dysfonctionnements et obstacles administratifs qui privent de nombreux habitants de leurs droits et libertés, en méconnaissance du droit national, européen et international.

De graves obstacles à l'accès aux droits

Dans la décision 2025-142 publiée le 1e août 2025, la Défenseure des droits relève des pratiques contraires aux textes en vigueur qui empêchent l'accès effectif aux services publics en charge de l’état civil et de l’examen des demandes de nationalité.

À titre d’exemple en matière d’état civil, la déclaration de naissance et la délivrance de copies d’actes de naissance sont assujetties à la présentation de titres d’identité non prévus par la loi. Par ailleurs, la mention de régularité de séjour, qui devrait être apposée sur les actes de naissance et qui est requise pour l’accès à la nationalité française, est très fréquemment manquante.

Concernant les services de nationalité, plus de 4 600 dossiers en attente au tribunal judiciaire de Mamoudzou dont certaines demandes datant de 2021 sont toujours sans réponse. Les récépissés attestant des demandes ne sont pas délivrés ou sont délivrés tardivement, entravant les droits des demandeurs. Là encore, les demandes sont assujetties à la présentation de pièces non prévues par les textes.

Atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant, entrave à la liberté d’aller et venir et rupture d’égalité devant le service public, la Défenseure des droits conclut à plusieurs violations des droits protégés par la Constitution, la Convention européenne des droits de l'homme et la Convention internationale des droits de l'enfant.

Des conséquences dramatiques pour les usagers

Ces obstacles administratifs sont à l’origine de situations particulièrement préoccupantes :

  • Pour les enfants français nés à Mayotte : impossibilité d'obtenir des titres d'identité français, les privant de leurs droits de citoyens ;
  • Pour les bénéficiaires de la protection internationale (réfugiés notamment) : refus de reconnaissance de leurs documents provisoires légalement valides ;
  • Pour les personnes nées à Mayotte : cercle vicieux les empêchant d'accéder à leurs droits, faute de pouvoir justifier de leur identité.

De nouvelles recommandations pour rétablir les droits

Dans sa décision, la Défenseure des droits adresse un certain nombre de recommandations aux ministres de la Justice et de l'Intérieur, parmi lesquelles :

  • Rappeler les règles légales en matière de justification d'identité et abandonner les exigences non prévues par les textes ;
  • Renforcer les moyens humains du service de nationalité du tribunal judiciaire de Mamoudzou ;
  • Améliorer l'information des usagers sur leurs droits, notamment via la création d'une rubrique dédiée sur les sites officiels ;
  • Garantir le respect des délais légaux et la délivrance systématique des récépissés ;
  • Établir des statistiques précises sur les délais de traitement des demandes concernant les rectifications des actes d’état civil des personnes placées sous la protection de l’OFPRA .

La Défenseure des droits a demandé aux ministres concernés de rendre compte des suites données à ses recommandations dans un délai de 3 mois .

Ces recommandations s’inscrivent dans la continuité de celles formulées en juin dernier dans un avis sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.

Cette décision est la dernière en date d’une série de décisions relatives à la situation à Mayotte. Plusieurs autres thèmes avaient en effet alerté la Défenseure des droits et donné lieu à des recommandations :

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