Le droit des enfants à une justice adaptée : Éduquer, protéger, reconstruire
19 novembre 2025
La Défenseure des droits, Claire Hédon, et son adjoint, le Défenseur des enfants, Eric Delemar, publient ce jour leur rapport annuel sur les droits de l’enfant, consacré cette année au droit des enfants à une justice adaptée.
Alors que la question de la délinquance des mineurs suscite des débats récurrents, ce rapport rappelle un principe fondateur : un enfant n’est pas un adulte. Sa maturité, sa compréhension du monde et son discernement exigent une réponse judiciaire adaptée qui sanctionne mais qui en parallèle éduque, protège et prévient la récidive – une justice qui accompagne l’enfant dans sa reconstruction.
Placer l’enfant au cœur d’un dispositif judiciaire cohérent et adapté
Il y a 80 ans, l’ordonnance du 2 février 1945, à la sortie de la seconde guerre mondiale, posait les fondements d’une justice spécifique pour les mineurs : la primauté de l’éducatif sur le répressif, l’atténuation de la responsabilité selon l’âge et l’existence de juridictions spécialisées. Ces principes, repris par le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) en 2021, et protégés par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), consacrent un droit fondamental : celui, pour chaque enfant, de bénéficier d’une justice adaptée, protectrice et éducative.
Pourtant, la Défenseure des droits constate que ce principe de relèvement éducatif et moral est aujourd’hui fragilisé. Les services chargés d’accompagner les mineurs concernés souffrent d’un manque criant de moyens humains et matériels. Faute d’éducateurs spécialisés, certaines mesures provisoires, prévues entre deux audiences judiciaires, ne sont par exemple pas ou mal appliquées. En outre, les conditions de vie en détention et l’absence d’un véritable cadre éducatif compromettent toute réinsertion durable : heures d’enseignement limitées voire parfois manquantes, activités socio-culturelles et sportives réduites voire inexistantes, respect du droit au maintien des liens familiaux fragilisé …
Si sanctionner le passage à l’acte d’un enfant est évidemment nécessaire, cette sanction n’est efficace qu’en s’inscrivant dans un accompagnement global et continu, permettant à l’enfant de comprendre la loi, de réparer le délit commis et de se reconstruire ensuite en s’ancrant dans la société.
Des situations à risque à prévenir et des enfants à protéger
Aucun enfant n’est prédestiné à la délinquance. Néanmoins, des instabilités liées aux cadres de vie de certains enfants peuvent aggraver davantage leur vulnérabilité et accroître leur risque de rupture, d’isolement et de comportements transgressifs.
Le rapport souligne que plus de la moitié des mineurs délinquants (55 %) sont suivis par la protection de l’enfance et 72 % ont connu une déscolarisation prolongée. Ces chiffres rappellent que la délinquance des mineurs est avant tout le reflet de vulnérabilités accumulées : pauvreté, ruptures familiales, échec scolaire, troubles psychologiques, exposition à la violence… et de la difficulté des institutions à en protéger les enfants.
Afin de prévenir les situations à risque, la Défenseure des droits appelle à renforcer la prévention spécialisée, à soutenir les familles et à garantir la continuité éducative entre l’aide sociale à l’enfance et la justice pénale, afin d’éviter les ruptures de parcours. Lutter contre la délinquance, c’est aussi agir en amont, sur les causes, plutôt que sur les seules conséquences.
Des droits à garantir à chaque étape du parcours judiciaire
A partir des réclamations qu’elle traite, la Défenseure des droits met en lumière dans ce rapport des atteintes aux droits des mineurs aux différents stades de la procédure pénale – du premier contact avec les forces de l’ordre jusqu’à l’incarcération.
S’ils bénéficient, dans les textes de lois, de garanties spécifiques, celles-ci sont encore trop méconnues et insuffisamment respectées. Qu’il s’agisse de contrôles d’identité répétés, de verbalisations multiples, d’interpellations avec un usage de la force parfois disproportionné, d’auditions conduites sans accompagnement de l’autorité parentale ou d’un avocat pour mineur, ou encore des conditions de garde à vue et de détention qui portent atteinte à la dignité des mineurs, les constats du Défenseur des droits, à partir notamment des réclamations qui lui sont transmises, révèlent à la fois un manque d’information auprès des mineurs sur leurs droits et une absence de prise en compte de leur particulière vulnérabilité du fait de leur minorité.
25 recommandations pour mieux garantir le droit des enfants à une justice adaptée :
Face à ces constats, la Défenseure des droits et son adjoint, le Défenseur des enfants, formulent 25 recommandations, parmi lesquelles :
- Inscrire dans la loi le principe de non-responsabilité pénale absolue pour les moins de 13 ans ;
- Créer un code de l’enfance, réunissant les dispositions civiles et pénales relatives aux mineurs ;
- Renforcer les actions d’information et de sensibilisation des enfants au droit et à la justice (assurer l’effectivité du volume horaire prévu pour les cours d’enseignement moral et civique (EMC), renforcer les cycles d’EMC consacrés à la justice, multiplier les initiatives visant à sensibiliser les enfants sua droit et à leurs droits)
- Garantir la continuité socio-éducative entre l’aide sociale à l’enfance (ASE) et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ;
- Renforcer les moyens alloués à la prévention du décrochage scolaire ;
Renforcer le dépistage des troubles du comportement ou des pathologies psychiatriques et améliorer l’accompagnement médical et thérapeutique des jeunes auteurs d’infractions souffrant de troubles de santé mentale et de handicap.