[PODCAST] "Qui c'est qui commande ?"
30 October 2025
Un podcast sur la place des enfants et leurs droits dans notre société. Lolita Rivé donne la parole aux jeunes (et aux moins jeunes) personnes, qui se battent pour leurs droits et imagine un monde plus juste, un monde qui les écoute.
Insupportables, mal élevés, pourris gâtés… devenus des enfants-rois, les plus jeunes feraient la loi dans notre société. Pourtant, études et statistiques montrent qu'ils et elles continuent de subir de nombreuses violences. Alors, qui c'est qui commande ? Lolita Rivé, professeure des écoles, mène l'enquête sur la place des enfants et leurs droits dans notre société.
En France, les jeunes représentent 20% de la population. Ils et elles font partie de notre société et demain, ils et elles décideront de ce qu'elle deviendra. Dans les parcs, les classes, les maisons et les rues : quelle place leur laissons-nous ? Écoutons-les raconter ce que les adultes ont souvent oublié : ce que ça fait de grandir dans un monde de géants.
Avec un ton sensible et rigoureux, Lolita Rivé interroge des spécialistes, des enfants et des parents pour imaginer un monde qui respecte enfin les plus jeunes.
Ce projet a reçu le soutien du Défenseur des droits dans le cadre de ses missions de promotion des droits de l’enfant.
Retrouvez "Qui c'est qui commande ?" sur les plateformes d'écoute :
Épisode 1 : "Au pays des enfants-rois"
Tyranniques, incontrôlables, pourris gâtés, les "enfants rois" auraient pris le pouvoir sur les adultes. Pourtant, études et statistiques montrent qu’ils et elles subissent de nombreuses violences. Ils et elles auraient "tous les droits", mais leurs droits les plus fondamentaux sont souvent bafoués. Comment expliquer ce paradoxe?
Avec un récit intime, des témoignages du quotidien et des analyses de spécialistes, Lolita Rivé, professeure des écoles, nous invite à nous souvenir de nos enfances et à imaginer un monde qui respecte et écoute enfin les plus jeunes.
Qui C'est Qui Commande ? Episode 1
Voix d'enfant : Les adultes, ils ont le pouvoir de contrôler les enfants. Et bien, ils sont plus grand qu'eux, ils leur donnent des règles à faire. Range ta chambre. Fais ton lit. Range tes doudous. Ramasse tes jouets. Brosse-toi les dents. Va dans le bain. Déshabille-toi.
Voix d'adulte : L'enfant roi pire calamité de l'humanité.
Voix d'enfant : Je déteste quand on m'appelle Minus. Gamin. Petit enfant surtout, des fois ça me dit ça. J'ai l'impression que c'est comme s'ils m'insultaient. Il y a beaucoup de choses que les adultes peuvent faire et pas beaucoup de choses que les enfants peuvent faire.
Voix d'adulte : Ça donne des enfants qui, quand on les croise, sont abjects, tonitruants, malpolis, surtout tyranniques.
Voix d'enfant : Pourquoi c'est toujours les adultes qui commandent ? Bah moi ma mère elle me dit que je suis mal élevé, mais alors que c'est elle qui m'a éduqué.
Voix d'adulte : Je vois de plus en plus de petits nazillons dans les familles.
Voix d'enfant : Les enfants c'est aussi des êtres humains en fait, c'est pas des poupées qu'on peut faire n'importe quoi avec.
Voix d'adulte : Moi je les vois dans mon cabinet tous les jours, ils cassent mes plantes, ils cassent tous mes crayons en me regardant dans le blanc des yeux. Ils disent des gros mots.
Voix d'enfant : Je pense qu'on ne peut pas avoir moins de pouvoir parce qu'on n'a déjà vraiment vraiment pas beaucoup de pouvoir.
Voix off : Qui c'est qui commande, une série documentaire de Lolita Rivée sur les enfants et leurs droits. Episode 1, au pays des enfants-rois.
Lolita Rivé : On est le 12 mai 2025, et j'écris ces mots depuis les urgences de l'hôpital Saint-Louis, à Paris. Ébloui par les néons au plafond, je tape ces mots sur mon téléphone. Je ne peux pas parler parce que j'ai un masque à gaz sur la bouche. C'est lui qui fait ce bruit de Dark Vador là. Ça s'appelle un nébuliseur. Il est relié à une bouteille qui me balance des gaz pour dilater mes bronches. Voilà des mois que je fabrique ce documentaire sur les enfants et sur leur place dans la société. Je traverse la France pour enregistrer des profs, des juges, des chercheuses et des psy, et puis des dizaines d'enfants de tous les âges. Les paroles que j'écoute, tout ce que je comprends, ça me bouleverse. J'y repense la nuit dans ma chambre à Paris, tandis que l'air est saturé par le pollen et la pollution. Et voilà comment je me retrouve ici, à minuit. Je viens de faire la pire crise d'asthme de ma vie. La dernière fois que j'ai été hospitalisée, j'étais toute petite, j'avais deux ans. L'asthme, je suis née avec.
Le papa de Lolita Rivé : Mais t'étais courageuse, hein, parce que tu toussais pendant longtemps, longtemps, longtemps, tu pleurais pas, tu râlais pas, mais on voyait que t'était possédée par ta toux.
Lolita Rivé : Cette sensation d'étouffer, de ne pas avoir la place de faire entrer l'air. Ce sont mes premiers souvenirs.
Le papa de Lolita Rivé : Moi j'étais obligé de sortir parce que ça me rendait fou de te sentir souffrir comme ça.
Lolita Rivé : Cette nuit, allongée sur ce lit d'hôpital, trop haut, je comprends encore plus profondément ce qu'est l'enfance, dans ce qu'elle a de plus vulnérable, dépendante des soins des autres, faible, fragile, incapable de parler. D'ailleurs, enfant ça vient du latin infans, littéralement, qui ne parle pas. Et vous, vous vous souvenez ? Qu'est-ce que vous ressentiez quand vous étiez tout petit dans ce monde de géants ? Moi, j'ai eu une enfance plutôt heureuse, dans un pavillon en Seine-et-Marne, avec deux frères, des parents qui m'aiment, des jeux, de la liberté. Bon, deux, trois fessées et quelques cris aussi. Mais j'ai eu de la chance par rapport à d'autres. Je sais que certains d'entre vous ne revivraient leur enfance pour rien au monde. La mienne était plutôt normale.
Voix d'adultes : Tu verras quand tu seras grande. C'est pas toi qui commande.
Lolita Rivé : Pourtant, je me souviens que j'étais pressée de grandir. J'avais hâte qu'on me prenne au sérieux, que les grands arrêtent d'être condescendants avec moi.
Voix d'adultes : Tu peux pas faire gaffe ? T'es bête ou quoi ?
Lolita Rivé : Je détestais qu'on me demande des comptes tout le temps.
Voix d'adultes : Tu t'es brossé les dents ? T'as fait tes devoirs ? T'as dit merci ?
Lolita Rivé : Ça me gênait qu'on me touche sans me demander.
Voix d'adulte : Allez viens faire un bisou.
Lolita Rivé : Qu'on me fasse du chantage.
Voix d'adulte : Tu sors pas de table tant que t'as pas fini ton assiette.
Lolita Rivé : Qu'on ne m'écoute pas. Enfin qu'on me fasse sentir que je valais moins qu'une adulte. Ça vous rappelle quelque chose ? Qu'est-ce qui vous vexait, vous ? Vous faisait peur ? Vous révoltait ?
Voix d'adulte : Écris la date. Tu peux faire un arc-en-ciel bien sûr.
Lolita Rivé : Et en un éclair, c'est moi qui suis devenue l'adulte. Celle qui doit prendre soin des enfants, s'en occuper, les éduquer, les élever.
Voix d'adulte : T'es trop fort toi ! T'as tout réussi là, bravo !
Lolita Rivé : Les contraindre aussi.
Voix d'adulte : Allez, vous rangez tout ça, s'il vous plaît. Vous rangez, c'est à qui ce doudou, là ?
Lolita Rivé : Je suis journaliste et il y a 6 ans je suis devenue prof des écoles et puis mère d'une petite fille.
Voix d'adulte : Et toi, qu'est-ce qui t'est arrivé ? Ok, et toi ?
Lolita Rivé : Je sais ce que c'est que de s'occuper de 30 enfants de 5 ans pendant 8 heures. Être sollicité en permanence.
Voix d'enfant : Je peux aller faire pipi ? Il a dessiné ma carte. Moi il m'embête et il a envie de m'attaquer.
Lolita Rivé : Je sais aussi ce que c'est que de retrouver ma fille de 4 ans le soir après une journée éreintante et de ne pas avoir la patience.
Voix d'adulte : Je suis là, je suis là. Qu'est-ce qu'il y a ? Je te prépare à manger. Je peux pas être collée à toi.
Lolita Rivé : Il m'arrive de ne plus en pouvoir, de crier, d'avoir envie d'en emplafonner un, alors que je les aime énormément. Et c'est ce que vous diront la plupart des gens. Les enfants, c'est tellement mignon. Nos enfants, on les adore. On se plie en quatre pour eux. On serait prêts à mourir pour eux !
Voix d'enfant : Ha ha ha ha. Aïe, aïe. Ha ha. Ciao bye-bye !
Lolita Rivé : A tel point qu'aujourd'hui, beaucoup sont persuadés que les enfants ont pris le pouvoir.
Voix d'adulte : Il y a des tyrans de 2-3 ans incroyables. Pas le pot, pas la soupe, tais-toi, non, je me jette par terre, je me mets à gueuler comme un putois, tout le monde croit qu'on l'a battu, quoi, tu vois. On a envie d'ailleurs, hein.
Lolita Rivé : À la radio, à la télé, dans les médias.
Voix d'adulte : Ils flanquent des dictionnaires sur la tête de leurs parents, je vois bien sûr, je le vois très bien. Enfin cela dit, on voit les mêmes au parc et dans les aéroports et dans les gares.
Lolita Rivé : On entend régulièrement des spécialistes s'indigner, psychologues, pédopsychiatres.
Voix d'adulte : Donc des problèmes, moi que j'appelle, des problèmes d'intolérance aux frustrations, et qui selon moi viennent de carence éducative, pas de carence affective comme on nous a tout le temps lanciné.
Lolita Rivé : Didier Pleux, Caroline Goldman ou encore Marcel Rufo, ils et elles ont écrit des livres à succès intitulés « l'éducation bienveillante ça suffit », « de l'enfant roi à l'enfant tyran ». « Qui commande ici? File dans ta chambre ». Tous font le même constat. Depuis Françoise Dolto qui disait qu'il fallait prendre en compte les émotions des enfants et leur parler on est allés beaucoup trop loin. Peut-être que vous aussi, vous pensez que les enfants ne respectent plus rien. Qu'ils sont insupportables, mal élevés. Qu'il ont pris le pouvoir sur nous. Que c'était quand même mieux avant. Et vous ne seriez pas seuls. Trois quarts des Français estiment que les enfants d'aujourd'hui sont moins bien éduqués qu'à leur époque.
Voix d'adulte : Quand t'es pas sage, qu'est-ce qu'on te fait ?
Voix d'enfant : On me donne une fessée.
Voix d'adulte : Tu acceptes ça facilement ?
Voix d'enfant : Non, pas toujours.
Lolita Rivé : Pourtant, l'éducation à la dure est loin d'avoir disparu, contrairement à ce que prétendent ces psys. Les enfants sont peut-être choyés, mais ils sont aussi largement violentés.
Voix d'adulte : Et ça te fait mal ?
Voix d'enfant : Ça dépend quand on me tape fort ça fait mal, quand on ne me tape pas fort ça fait pas mal.
Voix d'adulte : Tu pleures ?
Voix d'enfant : Quelques fois.
Lolita Rivé : D'après le baromètre 2024 de la Fondation pour l'enfance, 81% des parents disent utiliser des VEO, des violences éducatives ordinaires, comme les cris, les privations, les humiliations, le chantage et les menaces. Ça peut aussi être des tapes, des fessées ou des gifles. La violence parentale, ce n'est pas un truc des années 60. On ne fouette plus les enfants avec des martinets, mais avec des câbles de chargeurs de téléphone. Il suffit d'ouvrir ses yeux et ses oreilles pour s'en rendre compte. Tous les jours, dans la rue, au parc ou dans le train, le métro ou à l'école, j'entends comme on leur parle aux enfants, comme on leur crie dessus. Je vois comme on les bouscule, comme on les tape même. Dans mes classes, la majorité des enfants sont concernés. Chaque année, quand je leur explique leurs droits, je leur pose la question. Qui n'a jamais été tapé par un adulte ? Et chaque année, systématiquement, sur 30 élèves, seuls 5 ou 6 lèvent la main. Alors bien sûr, entre une fessée, un jour de pétage de plombs et des tornioles toute la journée, il y a une différence. Mais qu'est-ce que ça dit de nous, en tant que société, que les plus vulnérables d'entre nous soient giflés, fessés, empoignés, plaqués contre un mur, par ceux censés prendre soin d'eux ? Tous les 5 jours au moins, un enfant meurt tué par son parent. Et grâce au travail de la Ciivise, la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles, on sait maintenant qu'en France, au moins un enfant sur dix est agressé sexuellement. Et quand ils en parlent, deux fois sur trois, les enfants ne sont pas crus. On ne fait rien pour eux. Bien sûr, tout le monde est horrifié par ces chiffres. En théorie, on trouve ça insupportable. Faire mal aux enfants, qu'elle ignominie, c'est inimaginable. Mais ça arrive tout le temps. Moi ça m'interroge, ce gouffre entre tous ces discours sur l'enfant-roi et ces chiffres effarants. Comment les enfants peuvent être à la fois les victimes et les bourreaux ? Comment peuvent-ils nous mener à la baguette et en même temps être les premiers à subir notre violence ?
Claire Hédon : Avancer toujours cette question de l'enfant roi est une façon de ne pas respecter les droits de l'enfant. C'est une façon se donner bonne conscience pour pas respecter les droits de l'enfant.
Lolita Rivé : Claire Hédon est Défenseure des droits. Le Défenseur des droits, c'est une institution publique et indépendante chargée de défendre les citoyens bafoués dans leurs droits.
Claire Hédon : On envisage le rapport à l'enfant comme un rapport de force et moi je n'envisage pas le rapport entre personnes en rapport de force mais même entre adultes. Je trouve qu'il faut sortir de ce rapport de force et donc c'est la même chose avec l'enfant.
Lolita Rivé : Le Défenseur des droits reçoit 140 000 réclamations de citoyens comme vous et moi chaque année. Sur tout un tas de sujets. Et chaque année, ils enquêtent sur des situations où les droits des enfants n'ont pas été respectés. Parce que oui, les enfants ont des droits. Inscrits depuis 1989 dans la CIDE, la Convention internationale des droits de l'enfant. Ratifiée par tous les pays de l'ONU, sauf les Etats-Unis.
Claire Hédon : On ne considère pas les enfants comme sujets de droit. Ça, c'est un des premiers points qui est assez frappant. Et pourtant, la Convention internationale des droits de l'enfant, elle rappelle quelque chose d'important, c'est que l'enfant devient détenteur de l'ensemble des droit de l'homme dès sa naissance. Et notamment le droit d'être protégé contre toute forme de violence. On a progressé dans la défense des droits des enfants. Il faut être réaliste. Mais on ne va pas du tout suffisamment loin. Et puis surtout, moi, qu'est-ce que j'observe ? Finalement, c'est un écart entre le droit annoncé, ce qui est dans nos lois, ce qui est dans la Constitution, ce qui est dans la Convention internationale des droits de l'enfant et la réalité de l'application pour les enfants.
Lolita Rivé : Cette convention, elle dit que les enfants ont le droit d'avoir une identité. De vivre en famille.
Voix d'enfant : En famille, d'être soigné, d'avoir accès à l'éducation et aux loisirs, à une vie privée, à une justice adaptée à leur âge, d'être protégé des violences et de l'exploitation, mais aussi d'être entendu sur les questions qui les concernent.
Lolita Rivé : Ça va bien au-delà de ne pas les frapper, en fait. D'après cette convention, toutes nos décisions devraient être guidées par un principe au-dessus de tous les autres. L'intérêt supérieur de l'enfant.
Claire Hédon : L'intérêt supérieur de l'enfant, ce n'est pas l'Enfant Roi, ça n'a rien à voir. Ce n'est pas le même sujet, parce que c'est toujours le risque de dire mais ça veut dire qu'on fait ce que l'enfant veut. Mais c'est pas du tout ça, c'est pas cette question-là. C'est de réfléchir, est-ce que là je fais quelque chose qui est vraiment dans l'intérêts de l'enfant ou ce qui m'arrange moi adulte parce que c'est plus pratique. Par exemple, les parents, ils peuvent se poser tout le temps cette question-là. Alors je sais que c'est pas facile d'être parent et qu'il faut pas culpabiliser les parents. Mais se poser régulièrement la question, est ce que je fais pas ça dans mon propre intérêt et pas forcément dans celui de mon enfant. C'est ça que ça veut dire sur l'intérêt supérieur de l'enfant.
Voix d'adulte : Est-ce que vous avez déjà entendu parler des droits des enfants ? C'est quoi les droits des enfants?
Voix d'enfant : On a le droit de courir, d'aimer, on a le droit de faire des câlins, mais on n'a pas le droit de faire des bêtises ou faire de tout et n'importe quoi et casser des choses, mais par contre on a droit d'être délicat, d'avoir des copains, on a le droit d'aimer l'école.
Lolita Rivé : Les enfants ne me citent aucun de leurs droits de la convention internationale. On ne leur apprend pas à l'école ou quasiment pas, ni dans leur famille.
Voix d'enfant : On a le droit de s'embrasser en cachette.
Lolita Rivé : Et cette ignorance, elle est bien commode, parce qu'elle facilite tous les abus. Je n'ai jamais frappé ma fille, ni mes élèves d'ailleurs. Mais est-ce que ça suffit pour considérer que je les traite comme il faut? Que je respecte leur intérêt supérieur? Bien traiter les enfants, ce n'est pas seulement ne pas leur infliger le pire, c'est aussi leur offrir un cadre sécurisant, prendre en compte leurs besoins, ne pas chercher à étouffer leurs émotions si elles nous dérangent. Ça commence par écouter ce qu'ils ont à dire, même si ça ne nous arrange pas.
Voix d'enfant : Moi je pense qu'on nous écoute vraiment pas assez, parce que c'est toujours les adultes qui décident. C'est plutôt leur décision qui les importe et pas trop celle des enfants. Moi je trouve que les parents et les enfants ils sont différents mais en même temps les deux sont des humains donc les enfants aussi ils ont le droit d'être un peu plus pris au sérieux. Tu peux pas faire changer d'avis les adulte, après ils vont te dire c'est pas toi qui décide, on est plus grand que toi. Ok, en fait on peut rien faire sur ce sujet-là.
Claire Hédon : Le droit d'être écouté, d'être entendu, de participer aux décisions qui concernent les enfants, évidemment que c'est la clé pour respecter les autres droits. Écouter l'enfant, comprendre qu'est-ce que lui il souhaiterait, pourquoi, quelles sont ses difficultés, lui donner la parole, prendre en considération ce qu'il dit, ne pas être méprisant vis-à-vis de lui parce qu'il ne dira pas les choses de la même manière qu'un adulte ça ne veut pas dire suivre tout ce qu'il dit, mais ça veut dire qu'on a quand même entendu ce qu'il voulait et de temps en temps, ça peut éclairer la décision.
Lolita Rivé : Est-ce que, si on n'écoute pas les enfants en France, c'est parce qu'on considère qu'ils ne sont pas dignes d'être pris au sérieux? Parce qu'ils n'ont pas d'expérience, qu'il sont incompétents, voire qu'il faut se méfier d'eux. Il y a un pays qui a peut-être une réponse à nous apporter. C'est la Suède. Si en France, un enfant meurt tous les 5 jours tué par un de ses parents, là-bas, c'est un enfant tous les 2 ans. Marion Cuerq est spécialiste des droits des enfants et de la culture suédoise.
Marion Cuerq : Le filtre de la méfiance, ça va être cette idée que l'adulte se sent souvent attaqué par l'enfant.
Lolita Rivé : Inspiré par le docteur en psychologie danois John Sommers, Marion Cuerq parle d'un filtre de la méfiance, à travers lequel on interprète les comportements des plus jeunes en France. Un filtre qui nous incite à réagir de manière autoritaire.
Marion Cuerq : On va attendre de l'enfant qu'il se soumette à nous, d'une façon ou d'un autre. Donc on va être dans cette méfiance où, quand un enfant va faire quelque chose, on va beaucoup plus avoir tendance à y voir une provocation, un défi de notre autorité. Et donc on va vouloir reprendre le contrôle puisqu'on s'imagine qu'on le perd. Je dirais qu'en Suède, c'est plutôt l'inverse. Et là, pour le coup, on est vraiment sur deux opposés. Il y a vraiment cette représentation de l'enfance libre. L'enfant qui questionne le pouvoir, l'enfant qui se laisse pas faire, l'enfant qui n'a pas sa langue dans sa poche, avec des figures très connues comme Fifi Brindacier, où c'est vraiment cette idée de l'enfant qui va un petit peu comme ça s'amuser avec le pouvoir des adultes. Les Suédois aiment beaucoup les enfants, surtout les jeunes enfants qui ont du répondant, où en France on va dire que c'est de l'insolence, en Suède on va dire que c'est des enfants justement qui n'ont pas leur langue dans leur poche et c'est quelque chose de très positif.
Chanson – Fifi Brindacier : Faut commencer l'aventure J'peux faire des bonds sur ma couette Réveiller Monsieur Dufond Ou bien porter d'une main en oncle Alfred J'peux danser en cadence Mettre de la magie sur terre
Lolita Rivé : Fifi Brindacier. Cette petite fille orpheline et libre. Tellement forte qu'elle soulève son cheval d'une main. Elle est aussi la plus gentille du monde.
Chanson – Fifi Brindacier : Que ferais-je aujourd'hui ? Que ferons-nous aujourd'hui ? Que ferai-je, aujourd'hui, où va ma vie ?
Lolita Rivé : Elle adore se moquer des adultes et de leurs règles. Astrid Lindgren a créé le personnage en 1941. Fifi est une icône nationale dans le pays. C'est ça leur regard sur l'enfant en Suède. En 1979, c'est le premier pays à interdire les châtiments corporels. 40 ans avant nous. Et pour rendre possible cette révolution éducative, ils ont adopté des politiques publiques concrètes. Les jeunes parents peuvent demander du soutien et des conseils gratuits à des professionnels. Et ils disposent aussi de congés parentaux de 480 jours rémunérés. Si le regard qu'on porte sur les enfants n'est pas le même partout, si on ne les traite pas de la même manière dans tous les pays, c'est bien que c'est une construction sociale, et donc qu'on peut faire mieux. Les jeunes de 0 à 17 ans représentent 15 millions de personnes en France. Ça fait 1 Français sur 5. Ils sont loin d'avoir tous la même vie. Certains grandissent dans le confort, d'autres dans le besoin. Rappelons que 2500 enfants dorment encore dans la rue en France, mais ils partagent tous et toutes le même statut, celui de mineur. Les enfants dépendent entièrement du bon vouloir des adultes. Ils ne peuvent quasiment rien choisir pour eux-mêmes. Ils ne décident pas de ce qu'ils font de leur journée, de ce qui ils mangent, de ce qu'ils apprennent à l'école. Ils ne peuvent pas se déplacer librement et encore moins voter. La place qu'on donne aux enfants dans notre société, c'est pas un sujet qui ne concerne que les parents ou les gens qui travaillent avec les enfants. On a tous et toutes été enfants. Et même si on n'en a pas soi-même, on en côtoie, on vit avec. Ils font partie de notre société. Et demain, ce sont eux qui décideront de ce que le monde va devenir. La façon dont on traite les enfants, c'est pas une question individuelle, de famille, de chacun fait comme il veut. C'est une affaire collective, exactement comme les droits des femmes. Pendant des siècles, on a privé les femmes de leurs droits pour leur bien. On leur interdisait de voter pour qu'elles n'aient pas trop de responsabilités sur les épaules. Elles ne pouvaient pas avoir de compte bancaire parce que ça aurait été trop compliqué pour elles de gérer de l'argent. Et on ne les laissait pas faire de sport parce qu'il ne fallait surtout pas abîmer leur corps. Aujourd'hui, ça nous semble impensable. Alors qu'est-ce qui, dans 20, 30 ou 50 ans, nous paraîtra aberrant d'avoir fait aux enfants pour leur bien ?
Voix d'adulte : Est-ce que vous savez pourquoi on est là tous ensemble ? Qu'est-ce qu'on va faire ensemble ?
Voix d'enfant : On va dire ce que ça fait d'être un enfant et ça on va l'enregistrer.
Lolita Rivé : Pendant un an, j'ai parcouru la France pour rencontrer des enfants et des grandes personnes qui nous aident à imaginer un monde plus juste. Dans ce podcast, vous entendrez des enfants qui racontent ce que nous adultes avons souvent oublié. Ce que ça fait de grandir dans un monde pas fait pour nous.
Voix d'enfant : Moi je dirais, vous pouvez vous rappeler de vous quand vous étiez enfant et après vous comprendrez mieux, peut-être.
Voix d'adulte : L'idée qu'il y aurait une crise de l'autorité, que les jeunes d'aujourd'hui n'ont plus aucun respect envers leurs aînés, elle est extrêmement ancienne.
Lolita Rivé Vous entendrez des chercheurs, des chercheuses, des philosophes, des sociologues, des psy qui analysent le regard qu'on porte sur l'enfance.
Voix d'adulte : La femme était mise au même niveau que l'enfant, il n'y a pas si longtemps que ça. Les enfants en fait, on en est un peu au point zéro encore, c'est-à-dire qu'on considère que c'est une catégorie sociale qui est complètement immature et incompétente dans sa capacité à prendre une place dans notre démocratie et dans les politiques qui les concernent.
Lolita Rivé : On cherchera des pistes pour réinventer nos liens, comme à Nantes, avec un groupe de parents qui ont accepté de me raconter leurs doutes.
Voix off : Oui j'ai envie d'être non-violent, ok, mais là il se passe ça, comment je fais face, comment j'agis. On n'apprend pas à pas être violent, et puis la société ne nous aide pas, on n'est pas aidés.
Lolita Rivé : Vous entendrez aussi d'anciens enfants placés.
Voix d'enfant : En quatre ans, je fais 10 placements. 10 placements. Ça renvoie quand même tout le temps au truc de bah t'es pas assez bien et en fait t'es tout le temps en train d'essayer de faire tes preuves.
Lolita Rivé : Et des juges pour mineurs délinquants.
Voix d'adulte : On entend qu'il faut réformer, créer des nouvelles procédures, aller encore plus vite, donc on est assez inquiets parce qu'on craint que sous prétexte de vitesse on aille dans la précipitation et qu'on renonce à tout ce qui fait l'intérêt de la justice des mineurs.
Lolita Rivé : On ira dans le Tarn, dans une école démocratique. Une école faite par et pour les enfants.
Voix d'enfant : Je pense qu'ici, on apprend beaucoup plus ce qui va en fait réellement nous servir dans la vie. Pas que les matières classiques mais plein de choses, le vivre ensemble, etc.
Lolita Rivé : On imaginera une ville à hauteur d'enfant, qui leur laisse de la place, comme à Lille.
Voix d'enfant : Je suis très content qu'il y ait la rue aux enfants et ce qui est incroyable c'est que c'est la rue qui est bloquée juste pour que nous on puisse jouer. Je trouve ça incroyable.
Lolita Rivé : On entendra des enfants et des adolescents qui s'engagent en politique.
Voix d'adulte : Les jeunes aujourd'hui, ils parlent énormément de réchauffement climatique et donc si le problème n'est pas pris en compte par les politiciens, par le gouvernement, etc. Du coup, nous on se dit, en fait, on s'en fiche de ce que nous on a à dire.
Lolita Rivé : Je vous emmène dans le futur, à la découverte d'un autre monde possible. Une société qui protège les enfants des violences, de la nôtre y compris, avec une justice adaptée à leur âge, une éducation qui les laisse s'émanciper, et des espaces publics qui les incluent et les rendent autonomes. Un monde qui les écoute, les fait participer aux décisions qui les concernent. Ça s'appelle « Qui c'est qui commande » et c'est un podcast sur les enfants et leurs droits. Dans le prochain épisode, on plonge au cœur du sujet. La domination des adultes sur les enfants.
Voix off : Écoutez l'épisode 2, « C'est pour ton bien ». Comment vous vous sentez à la fin de cet épisode ? Parlez-en sur vos réseaux sociaux et envoyez-le à vos proches pour ne pas oublier les enfants que nous avons été.
Épisode 2 : "C’est pour ton bien"
« C’est pour ton bien » : vous avez peut-être déjà entendu cette phrase, enfant, pour justifier des cris, des humiliations voire des coups infligés par les adultes.
Qu’est-ce qui, dans nos institutions et nos habitudes collectives, rend ces violences possibles ? Qu’est-ce qui fait qu’on n’arrive pas à respecter les droits des enfants ?
Avec des experts, Lolita Rivé explore la culture française des « violences éducatives ordinaires », leur histoire et leurs effets durables sur le corps, le psychisme et la confiance. Elle interroge aussi ce concept nouveau et éclairant : l’adultisme, la domination quotidienne des adultes sur les enfants.
Comment briser la chaîne des violences pour inventer d’autres façons de vivre ensemble, où les émotions des enfants sont entendues et leurs droits enfin respectés ?
Diffusion prévue le 6 novembre 2025
Épisode 3 : Les enfants peuvent-ils se défendre ?
Lorsque les enfants subissent des violences, que leurs droits ne sont pas respectés, que peuvent-ils faire ? Comment peuvent-ils se défendre face à leurs parents ou aux institutions censées les protéger ? Louise et Natacha racontent leur enfance placée, marquée par les fugues, les foyers, les familles d’accueil. À travers leurs voix et celles de la juge Muriel Eglin, de la sociologue Aude Kerivel, de la Défenseure des droits Claire Hédon, se dessine un système en crise, parfois protecteur, souvent maltraitant.
Lolita Rivé, professeure des écoles, mène l'enquête : pourquoi tant d’enfants sortent de l’Aide Sociale à l'Enfance (ASE) abîmés, précarisés, parfois happés par la rue, la prostitution ou la délinquance ? Et surtout : que faudrait-il changer pour que l’État tienne enfin sa promesse de respecter les droits des enfants, et donc de les protéger ?
Diffusion prévue le 13 novembre 2025
Épisode 4 : "À quoi sert l’école ?"
L’école promet l’égalité, la mixité, l’épanouissement. Pourtant, un enfant sur deux un enfant sur deux n’a régulièrement pas envie d’aller à l’école, et beaucoup racontent l’angoisse, les humiliations ou la peur de l’échec.
Lolita Rivé, elle-même professeure, interroge le rôle de l’école : que transmet-elle, entre apprentissage et contrainte ? A travers les paroles d’élèves, de parents et d’enseignants, les analyses du chercheur Sébastien Charbonnier, de la Défenseure des droits Claire Hédon et l’expérience de pédagogies alternatives telles que la « classe dehors », elle explore d’autres façons d’apprendre et de vivre ensemble.
Qu’est-ce qu’une école qui respecterait enfin complètement les droits des enfants ? Que faudrait-il changer pour que chaque élève puisse s’y sentir à sa place, entendu, reconnu et libre de grandir ?
Diffusion prévue le 20 novembre 2025
Épisode 5 : "Va jouer dehors !"
"Va jouer dehors!" lancent parfois les parents, exaspérés, à leurs enfants bruyants. Problème : dehors il n'y a souvent pas d'endroit où aller pour la majorité des enfants (70% vivent en ville). Entre les dangers de la circulation et le manque d'espaces et d'infrastructures adaptées, beaucoup d'enfants sont en fait forcés de rester "des enfants d'intérieur". Quelle place leur laisse-t-on ?
Lolita Rivé, professeure des écoles, nous emmène dans des terrains d’aventures où l’on creuse, construit, fait du feu, dans une rue aux enfants fermée à la circulation pour leurs jeux… Parce qu’ils et elles aussi ont droit à une ville à leur hauteur.
Diffusion prévue le 27 novembre 2025
Épisode 6 : "De quoi tu te plains?"
Trop jeunes, trop naïfs, pas sérieux, incompétents : les enfants et les adolescents sont souvent perçus comme incapables de s’engager en politique. Pourtant, partout, des jeunes personnes manifestent, débattent, s’organisent. Mais leurs idées sont souvent balayées, comme si leur parole n’avait pas de valeur.
Dans ce dernier épisode, Lolita Rivé enquête sur la place des enfants dans la vie politique. Elle rencontre des lycéens engagés, suit les débats d’un conseil municipal d’enfants, et revient sur les figures emblématiques qui ont bouleversé le débat public. Comment la société organise-t-elle l’incapacité politique des enfants ? Et si on pouvait voter dès l’enfance?
Lolita Rivé trace des pistes pour construire une société « enfantiste » qui écoute les plus jeunes, qui respecte pleinement leurs droits, et où les adultes acceptent d’abandonner une partie de leur pouvoir pour inventer un monde plus juste et moins violent.
Diffusion prévue le 4 décembre 2025