Remise du prix de thèse 2023 du Défenseur des droits

30 novembre 2023

  • Discrimination
  • Handicap

Le 30 novembre 2023, le neuvième Prix de thèse du Défenseur des droits a été remis par Claire Hédon à deux co-lauréats.

Cette année, le jury du prix de thèse était composé de :

  • Pierre-Yves Baudot, Professeur, Université Paris-Dauphine/PSL
  • Philippe Bonfils, professeur, Université Aix-Marseille, Directeur de l’Institut des sciences pénales et de criminologie
  • Vincent-Arnaud Chappe,  chargé de recherche CNRS, Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS-EHESS)
  • Lucie Cluzel-Metayer, Professeur, Université Paris Nanterre
  • Mathilde Darley, Chargée de recherche CNRS, Directrice-adjointe du CESDIP
  • Thierry Delpeuch, chercheur CNRS, UMR Pacte de Grenoble
  • Pascale Deumier, professeur, Université Lyon III Jean Moulin 
  • Danièle Lochak, professeure émérite, Université Paris-Nanterre 
  • Elise Palomares, Professeure Université de Rouen, laboratoire Dysolab, affiliée à l’I.C Migrations 
  • Alexis Spire, Directeur de recherche CNRS, EHESS

Les thèses primées cette année

« Handicap et destinées sociales : une enquête par méthodes mixtes » de Célia Bouchet

Réalisée sous la direction d’Anne Revillard (Associate Professor, Sciences Po) et de Philippe Coulangeon (Directeur de recherche CNRS, Sciences Po, OSC) cette thèse examine les différenciations sociales entre la population valide et plusieurs sous-populations ayant grandi avec un handicap, dans différents domaines (scolarité, emploi, vie familiale).

[Musique]
Il y a beaucoup d'accent aussi bien dans les études scientifiques que dans les politiques sur l'accès par exemple aux établissements scolaires ordinaires des enfants handicapés, l'accès à l'emploi, etc.
Il est très peu question du niveau de diplôme des personnes handicapées. Il est très peu question du type de profession qu'elles exercent, du salaire qu'elles reçoivent etc.
Je m'intéresse en fait aux positions qu'occupent dans la société les personnes ayant grandi avec un handicap. J'ai utilisé deux types de méthodes. Des méthodes statistiques, fondées sur une enquête de l'INC, l'enquête Emploi. En parallèle j'ai réalisé des entretiens biographiques en ciblant deux groupes de personnes handicapées : les personnes ayant grandi avec une déficience visuelle partielle ou totale et les personnes ayant grandi avec des troubles spécifiques des apprentissages. On peut appeler les troubles dys.
Quelle que soit la sphère de la vie, quels que soient les indicateurs que je trouvais, je trouvais des inégalités. Par contre, je voyais bien aussi que l'ampleur de ces inégalités n’était pas forcément la même selon tous les groupe. Dans le cas de personnes qui grandissent avec des limitations cognitives, l'accès aux études supérieures est très très freiné et ça fait par boule de neige plein d'effets sur le parcours alors que par exemple pour les personnes qui ont une déficience visuelle il y a des inégalités assez modestes en terme de niveau d'étude mais par contre au moment de l'accès à l'emploi, là, ça coince vraiment.
Je me suis rendu compte aussi que les mécanismes qui produisait ces inégalités n’étaient pas forcément complètement les mêmes pour tout le monde. Dans le discours public il y a beaucoup l'accent sur « il faut changer le regard sur le handicap », « il faut déconstruire les stéréotypes » etc. Et c'est un vrai mécanisme. J'ai en entretien des personnes qui me rapportent ne pas avoir eu de réponse à leur CV où leur handicap était indiqué etc. Mais j'ai aussi énormément de cas où des personnes m'expliquent les désavantages concrets auxquels elles se trouvent confrontées dans des cas où en fait elles n'ont pas d'aménagement. Leurs restrictions ne sont pas compensées et ça c'est des formats plus indirects, qui sont beaucoup moins visibles, qui impliquent en fait des mesures matérielles très concrètes.
Alors c'est l'exercice qui est toujours un petit peu délicat en sociologie parce que on arrive avec une perspective de neutralité. On doit pas dire ce qui est bien ou ce qui est mal, ce qu'il faut faire ou ce qu'il ne faut pas faire. Ce que je disais aux personnes que je rencontrais c'est que au moins ça m'importait de rendre les grands enjeux clairs pour les personnes qui seraient en mesure de prendre ces décisions de leur prémacher le travail en quelque sorte pour leur dire qu’il y a des leviers à tel et tel endroit auxquels il faudrait réfléchir collectivement parce qu’à ce stade c'est pas assez le cas.
J'espère que ma thèse pourra contribuer à faire ça.

« Minorités sexuelles et de genre en exil. L'expérience minoritaire à l'épreuve de la migration et de la demande d'asile en France » de Florent Chossière

Réalisée sous la direction de Marianne Blidon (Maîtresse de Conférences, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Serge Weber (Professeur, Université Gustave Eiffel), cette thèse porte sur les expériences migratoires de personnes LGBT+, qui, après avoir fui leur pays, ont demandé l’asile en France au motif de persécutions et craintes de persécutions liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre minoritaires.

Ma thèse porte sur les expériences migratoires de personnes qui ont quitté leur pays en raison de persécutions subies à cause de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre minoritaire et qui ont demandé l'asile sur ce motif là en France. L'idée c'était de comprendre les expériences spécifiques de ce groupe, leur expérience de la migration. Comment au quotidien on peut vivre en temps à la fois que minorités sexuelles et de genre et réfugié.
Les institutions de l'asile ne fournissent pas de statistiques sur le motif de la demande d'asile, donc c'est plutôt à partir de ce que j'ai vu sur mon terrain, au sein d'une association spécialisée. La première nationalité, accompagnée par l'association dans laquelle j'ai fait mon terrain, c'étaient les ressortissants du Sénégal, Maghreb, Moyen-Orient, Asie du Sud, Inde, Bangladesh, Pakistan, également Europe de l'Est, Russie, Ukraine, avant le conflit ukrainien.
Je pensais que la plus grande difficulté en faisant cette enquête là, ce serait d'entendre les récits de persécution des personnes dans certains pays. Mais en fait, ce qui était très difficile à gérer aussi, c'était la précarité à laquelle ils sont confrontés. En France beaucoup dorment à la rue par exemple certains ne réussissent pas à avoir le statut de réfugié puisqu’on rejette leur demande d'asile. Toute l'angoisse également qu'il y a à vivre dans une incertitude de qu'est-ce qui va m'arriver si ma demande d'asile est refusée… L'impossibilité de se projeter dans le temps, ce qui fait que certaines personnes finalement se demandent si elles ont bien fait de partir. Et quand on sait les réalités, qu'elles ont fui de leur pays. Qu'elles en arrivent à se poser ce type de question, ça montre à quel point l'accueil en France est compliqué.
On est dans un contexte où les institutions de l'asile ont quand même un soupçon marqué à l'égard des récits des demandeurs d'asile les conditions dans lesquelles les demandes d'asile sont étudiées sont de plus en plus compliquées. Par exemple, la réforme actuelle du projet sur l'immigration qui est en cours qui tend à réduire par exemple les formations collégiales à la Cour nationale du droit d'asile où dans certains cas pourront être étudiées par une seule personne alors que ce sont des cas très complexes. Ou alors le fait qu'on veut réduire les temps des procédures et c'est d'accélérer le processus de prise de décision alors même que le cadre est tellement normé que les gens ont besoin de beaucoup de temps pour se préparer en particulier pour ce sujet où il faut réussir à parler de choses très intimes.
Le fait qu'en fait un demandeur d'asile sur deux n'est pas logé par exemple par le dispositif d'accueil nationaux ça répond aussi au problèmes spécifiques que rencontrent les demandeurs d'asile lgbt+. Ils ne peuvent pas toujours compter sur les diasporas en France pour être hébergés du fait de leur orientation sexuelle ou identité de genre minoritaire. Mais dans un contexte où tous les demandeurs d'asile seraient logés et auraient une autonomie résidentielle et matérielle, cette question de l'homophobie ou des LGBT-phobies de façon générale ne se poserait pas, puisqu’il pourrait y avoir une autonomie. Et donc, il faut aussi qu'il y ait des conditions générales d'accueil qui permettent de régler les difficultés auxquelles tout le monde est confronté de façon générale.
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Défenseur des droits – République française – 09 69 39 00 00 * Prix d’un appel local

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