Fanta est enceinte de six mois et demi quand elle prend rendez-vous chez un phlébologue. Au cours de la consultation, celui-ci lui pose des questions sur sa profession et sur ses enfants. Elle lui indique être professeure des écoles et attendre son quatrième enfant. Le médecin lui demande alors : « Et le 9ème enfant, c'est pour quand ? » et l'interroge sur sa nationalité. Fanta est déstabilisée par ces questions et lui explique qu'elle est née en France et qu'elle a des origines sénégalaises.
Le médecin poursuit en évoquant la « folie » des personnes d'origine africaine de faire « autant d'enfants ». Il dit ensuite à Fanta qu'elle « n'est qu'enseignante », et qu'il lui faut penser à l'avenir de ses enfants car les études coûtent 5 000 euros voire plus. Il lui demande alors comment elle compte faire pour payer les études de tous ses enfants, lui rappelant qu'il faudrait bien y penser.
Fanta répond au médecin que cela ne le regarde pas et décide d'écourter la consultation et de s'en aller. Le médecin lui dit alors : « Pourquoi les gens comme vous sont aussi susceptibles ? ». Ce à quoi elle lui rappelle le caractère inacceptable des propos tenus et part.
Fanta dépose alors plainte à la gendarmerie. Deux jours plus tard, elle adresse un courriel au directeur général de la clinique où exerce le médecin pour l'informer des faits dénoncés et du dépôt de sa plainte et saisit l'Ordre des médecins et le Défenseur des droits.
Le directeur de la clinique contacte alors le médecin mis en cause afin d'éclairer les circonstances des faits dénoncés. Celui-ci adresse une lettre d'excuses à Fanta dans laquelle il admet avoir tenu des propos « totalement maladroits et incongrus » et affirme ne pas avoir voulu la choquer, l'insulter ni provoquer de choc émotionnel. Il indique ensuite au Défenseur des droits s'être « mal exprimé » et regretter « profondément » d'avoir voulu « parler plus généralement des habitudes familiales des familles d'origine africaine ». Il explique s'être « rendu compte après coup que ces propos ont pu choquer » Fanta et « avoir pris conscience que [ses] paroles ont pu être interprétées comme discriminantes alors que [sa] pensée allait vers le devenir des enfants issus de famille nombreuse ».
Une réunion de conciliation devant l'Ordre départemental des médecins est alors organisée. Le médecin et Fanta s'y rendent et un procès-verbal constatant la conciliation du litige et la volonté de Fanta de ne pas maintenir sa plainte est signé.
Au cours de son instruction, le Défenseur des droits constate que si le médecin, en assumant la responsabilité des propos tenus et en ayant accepté la procédure de conciliation, démontre sa volonté d'apaiser la situation et s'il souligne ne pas avoir eu l'intention de discriminer sa patiente, il n'en demeure pas moins que ses propos à l'encontre de Fanta sont discriminatoires.
En effet, pour qu'il y ait discrimination, il n'est pas nécessaire que la personne mise en cause ait eu l'intention de nuire à la victime, il suffit que l'agissement soit lié à un critère de discrimination interdit par la loi et qu'il ait eu pour effet de porter atteinte à la dignité de la victime ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
Le Défenseur des droits considère que les propos tenus envers Fanta ne l'auraient probablement pas été s'agissant d'une patiente de couleur de peau « blanche » ou « d'origine européenne » et si elle n'avait pas indiqué attendre un quatrième enfant. Le comportement du médecin est lié à de multiples critères discriminatoires : l'origine ou l'appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une prétendue race ainsi que le sexe et la situation de famille de Fanta.
Le Défenseur des droits a donc recommandé aux parties de conclure une transaction afin de mettre un terme à leur désaccord et de réparer le préjudice de Fanta.
Si une personne de votre entourage ou vous-même avez vécu une situation similaire ou proche, cette personne ou vous-même pouvez saisir le Défenseur des droits.