En décembre 2016, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a ouvert une enquête suite à des informations mentionnées sur deux sites Internet concernant les pratiques de certains médecins n'acceptant pas les bénéficiaires de la CMU ou de l'AME. Il a constaté ainsi qu'un médecin n'acceptait pas les bénéficiaires de la CMU au motif de l'absence de lecteur de carte vitale tandis qu'un autre médecin indiquait accepter les bénéficiaires de la CMU-C tout en soulignant que les bénéficiaires de l'AME ne sont pas souhaités sans indiquer un motif précis.
L'article L. 1110-3 du code de la santé publique qualifie le caractère illégal de tels refus : aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins. Le fait d'annoncer publiquement le refus de ces patients, même en les réorientant vers les hôpitaux publics, est contraire aux articles 225-1 et 225-2 du code pénal interdisant les discriminations. Cette pratique est ainsi susceptible de caractériser une discrimination en raison du statut, de l'état de santé ou éventuellement de la vulnérabilité économique des patients concernés.
Début janvier, le Défenseur des droits a été saisi par 3 associations (FNARS, le Collectif inter-associatif de la santé, et Médecins du monde) au sujet du refus de prises de rendez-vous sur un site Internet en ligne pour des patients bénéficiant de la CMU.
En mars 2017, le Défenseur des droits rendra publique une étude financée dans le cadre d'un partenariat avec le Fonds CMU sur « Les pratiques médicales et dentaires, entre différenciation et discriminations. Une analyse de discours de médecins et dentistes » réalisée sous la Direction de Caroline DESPRES.
Dans quelle mesure les personnes en situation de précarité, de pauvreté et notamment les bénéficiaires de protection sociale telles que la CMU, l'AME et plus récemment l'ACS, font-elles l'objet de soins différenciés ? Ces différentiations peuvent-elles relever dans certains cas d'une discrimination ? L'objet de la recherche était de recueillir le point de vue des professionnels de santé concernant la prise en charge de patients vivant dans des conditions de vie précaires.
Pour rappel, le Défenseur des droits avait publié, à la demande du Premier Ministre, il y a deux ans un rapport « Les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-C, de l'ACS et de l'AME » qui montre que le droit à la santé n'est pas encore acquis pour les personnes en situation de précarité.
Le Défenseur des droits a fait de l'accès aux droits une priorité de son action. S'agissant du droit à la santé, le législateur a prévu divers dispositifs visant à garantir un accès universel aux soins à des publics fragilisés ou précaires. La couverture maladie universelle (CMU), la CMU-Complémentaire (CMU-C), l'aide à l'acquisition d'une couverture maladie complémentaire (ACS) et enfin l'Aide médicale d'Etat (AME) participent de cet objectif. En premier lieu, il ressort de nombreux constats documentés que la complexité d'accès à ces dispositifs et/ou du manque d'information se traduit par du « non recours aux droits » qui renvoie à toute personne qui ne reçoit pas une prestation ou un service auquel elle pourrait prétendre.
En second lieu, il est établi que certains professionnels de santé refusent l'accès au système de soins à des bénéficiaires de ces dispositifs. Ces pratiques ne sont certes pas généralisées mais demeurent récurrentes (comme le démontrent de nombreuses enquêtes réalisées par « testing »). Ces refus de soins illégaux, manifestes ou déguisés, contreviennent de manière évidente à la volonté du législateur, de même qu'à l'intérêt général en matière de santé publique, puisqu'ils nuisent aux mesures de prévention et de détection précoce des pathologies ainsi qu'à leur traitement.
Les refus de soins illégaux auxquels sont exposés les bénéficiaires de la CMU-C, de l'ACS et de l'AME ont fait l'objet de dénonciations multiples. Pourtant, les pratiques illégales perdurent toujours.
C'est pourquoi, le Défenseur des droits poursuit ses travaux en matière de refus de soins et suivra avec intérêt les travaux des commissions chargées d'observer les pratiques de refus de soins créées dans le cadre de la loi Santé du 26 janvier 2016 dont il avait souligné à l'époque le caractère insuffisamment contraignant.