Pour toute question d’ordre scientifique
Marielle Chappuis
Responsable de l’animation des études et de l’observatoire du Défenseur des droits
marielle.chappuis@defenseurdesdroits.fr
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Le Défenseur des droits lance un appel à projets de recherche sur la thématique des discriminations fondées sur la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique des personnes en France.
Le Défenseur des droits est une institution indépendante de l'État. Créée en 2011 et inscrite dans la Constitution, son champ de compétence s’étend à la défense des droits des usagers des services publics, la défense et la promotion des droits de l’enfant, la lutte contre les discriminations, le respect de la déontologie des professionnels de sécurité et l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte. Elle s'est vu confier deux missions :
1) défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés ;
2) permettre l'égalité de tous et toutes dans l'accès aux droits.
Pour mener ses missions, le Défenseur des droits dispose de deux moyens d'action : d'une part, il traite en droit les demandes individuelles qu'il reçoit et de l'autre, il mène des actions de promotion de l'égalité. La « Promotion de l'égalité et de l'accès aux droits » regroupe toutes les actions qui contribuent à faire mieux connaître et mieux appliquer les droits des personnes.
Un observatoire
La LOI organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits prévoit dans son article 34 que le Défenseur des droits « conduit et coordonne des travaux d'études et de recherches ». Connaître plus précisément les situations d'inégalités permet au Défenseur des droits de mieux agir pour défendre les droits de chacun. À cet effet, il s’est doté depuis 2017 d’un Observatoire qui participe à l’amélioration des connaissances dans les cinq champs de compétences de l’institution.
L’observatoire produit des analyses à partir des données propres de l’institution et conduit seul ou en partenariat des travaux de recherche.
Pour en savoir plus sur le Défenseur des droits.
Contexte
En 2019, la France compte 9,3 millions de personnes en situation de pauvreté selon l’Insee. Les deux tiers des personnes pauvres vivent dans un ménage avec des enfants, 40 % sont en couple et 25 % vivent dans une famille monoparentale [Observatoire des inégalités 2018].
Si la précarité est reconnue comme un facteur d’injustice, la discrimination qu’elle peut engendrer est difficile à mesurer et reste peu documentée.
En 2016, la loi 2016-832 du 24 juin visant à lutter contre la discrimination a introduit un nouveau motif de discrimination interdit par la loi : la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique de la personne, qu’elle soit apparente ou connue de l’auteur de la discrimination. Cette loi est entrée en vigueur le 26 juin 2016. Trois ans après l’ajout de ce critère parmi les critères de discrimination prohibés, celui-ci reste peu mobilisé par les victimes. En 2019, moins de 2 % des réclamations, adressées au Défenseur des droits soulevant une discrimination concernaient ce critère.
Et pourtant il est apparu que les personnes en situation de vulnérabilité économique pouvaient être victimes de discriminations. Sans prétendre à l’exhaustivité, des études ont ainsi pu mettre en évidence l’existence de processus d’exclusion ou de discriminations fondées sur la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique des personnes, dans l’accès au logement social [Secours catholique 2020], à l’éducation, à la cantine pour les enfants de familles les plus défavorisées [Ires 2019], ou encore à la santé [DDD 2019].
Par ailleurs, ces phénomènes de stigmatisation peuvent provoquer l’exclusion sociale de ces personnes qui, comme l’évoque Thierry Vallat, n’osent souvent « pas solliciter les prestations auxquelles elles auraient droit, de peur d’être humiliées » [Vallat 2016]. Les situations de non recours aux droits sont ainsi fréquentes. Bien qu’il soit difficile de les mesurer précisément, certaines prestations majeures affichent en France des taux de non recours de plus de 40 %. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces chiffres tels que le manque de connaissance, d’informations, la complexité des démarches ou encore la honte et la peur d’être considéré comme « assisté ».
Si la vulnérabilité économique est singulière dans le paysage de la non-discrimination en ce sens qu’elle est reliée à la situation de la personne et non directement aux caractéristiques individuelles de cette dernière (comme le genre, l’âge, le handicap…), elle reste difficile à objectiver, est souvent indirecte et peut être légitimement « confondue » avec d’autres critères tels que le lieu de résidence, l’apparence physique, la situation de famille ou tout « trait » censé l’extérioriser. Il s’agit également d’une condition qui peut être amenée à évoluer.
L’appel à projets lancé par le Défenseur des droits a pour objectif d’apporter de la connaissance sur les discriminations fondées sur la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique des personnes en France. Ces travaux participeront à une meilleure appréhension des difficultés auxquelles peuvent être confrontées les populations en situation de précarité. Cette reconnaissance de leur portée discriminatoire permettra d’assurer plus efficacement leur identification et d’approfondir la portée de la grille juridique des discriminations pour soutenir leur traitement sur le plan juridique, d’une part, et d’engager des actions de sensibilisation et de prévention afin de favoriser l’accès aux droits des populations concernées et de faire évoluer les représentations et les pratiques discriminatoires à leur égard, d’autre part.
Objectifs
Cet appel à projets de recherche, prospectif, permettra de traiter des enjeux de discriminations et d’inégalités de traitement fondées sur la vulnérabilité économique en France.
Les projets de recherche pourront documenter les situations, les causes, les processus ou les conséquences des discriminations fondées sur la vulnérabilité économique. En ce sens, ils pourront se focaliser sur les préjugés attachés aux populations considérées comme étant en situation de vulnérabilité économique, sur les expériences de discriminations ressenties ou vécues par les populations concernées ou encore sur les conséquences de ces discriminations telles que le non recours aux droits par exemple.
La vulnérabilité économique pourra être abordée, si besoin, au sens plus large de la précarité ou de la pauvreté, ou approchée indirectement par d’autres biais tels que, par exemple, le fait de bénéficier de certaines aides sociales ou encore une situation sociale (famille monoparentale, sans abris…). Le choix de la ‘définition’ de la vulnérabilité économique adoptée devra être explicité.
Les projets de recherche pourront se consacrer sur un ou plusieurs domaines de la vie courante tels que la santé, le logement, l’emploi, la formation, l’éducation, les relations avec les services publics…, qu’il s’agisse de l’accès aux services ou des conditions de vie dans chacun des domaines.
La dimension systémique et inter-sectionnelle des discriminations pourra être documentée et analysée. Ainsi les interactions avec d’autre motifs de discrimination, qu’il s’agisse des interactions avec des critères pouvant être ‘confondus’ avec la vulnérabilité économique (tels que le lieu de résidence, l’apparence physique ou encore la situation de famille…), ou tout autre critère prohibé par la loi (sexe, âge, handicap…), pourront être traitées.
Le non recours aux droits des personnes en situation de vulnérabilité économique (ou plus largement de précarité) et le lien entre le non recours et la précarité pourront également être documentés dans le cadre de cet appel à projets.
Enfin, les projets pourront se focaliser sur les interactions entre les facteurs de non accès au droit et de vulnérabilité qui concourent à produire de la discrimination.
Bibliographie indicative
ATD Quart Monde (2015) « En finir avec les préjugés sur les pauvres et la pauvreté ». Rapport
Défenseur des droits, Fonds CMU (2019) « Les refus de soins discriminatoires : test dans trois spécialités médicales » Études & résultats.
IRES (2019) « L’accès à la cantine scolaire pour les enfants de familles défavorisées. Un état des lieux des enjeux et des obstacles » Document de travail 2019-01
Observatoire des inégalités (2018) « Rapport sur les inégalités en France »
Secours catholique et al. (2020) « Rapport interassociatif sur les difficultés d’accès au parc social des ménages à faibles ressources »
Tharaud D (2017) « Étude critique du motif de discrimination résultant de la vulnérabilité économique ». Revue des droits et libertés fondamentaux, chron. n°05
Vallat, T. (2016) « La vulnérabilité économique : un nouveau critère de discrimination qui intègre la précarité sociale », Les cahiers de la LCD, vol. 2, pp. 119-126.
Méthodologie
Cet appel à projets s’adresse à tous les laboratoires de recherche, quelle que soit la discipline juridique, ou des sciences humaines, sociales et politiques (économie, géographie, histoire, sociologie, anthropologie…). L’institution soutient l’interdisciplinarité.
Les hypothèses de recherche du projet reposeront sur une revue de la littérature critique et la plus exhaustive possible.
Le projet de recherche pourra reposer aussi bien sur des méthodologies quantitatives que qualitatives ; celles-ci devront être décrites précisément.
L’appel à projets pourra financer :
1 / un projet de recherche se basant sur la collecte de nouvelles données ;
2 / un projet de recherche exploitant des bases de données déjà existantes, telles que des données issues des grandes enquêtes et cohortes ou de bases de données administratives, si celles-ci s’y prêtent.
Les projets de recherche devront être menés, de préférence, sur une durée maximale comprise entre 18 et 24 mois à compter de la notification de la convention de subvention conclue entre le Défenseur des droits et le représentant agissant au nom et pour le compte de l’équipe de recherche (le laboratoire ou l’unité).
Les candidats veilleront donc à présenter un calendrier de recherche compatible avec ce délai maximal.
La subvention totale allouée à l’appel à projets de recherche par le Défenseur des droits est de 100 000 € TTC. Plusieurs projets pourront être retenus à l’issue de l’évaluation. La subvention sera alors partagée entre les équipes de recherche retenues en fonction de la qualité du projet, son originalité et son ampleur.
Un projet dont le coût serait supérieur à 100 000 € TTC peut être proposé dans le cadre de cet appel à projets de recherche, mais l’équipe devra alors indiquer le plan de financement détaillé et les cofinancements obtenus (ou en cours d’instruction).
L’appel à candidature pour les projets de recherche s’ouvre le jeudi 6 aout 2020.
Le dépôt des dossiers doit avoir lieu avant le lundi 28 septembre 2020 minuit.
Les candidats seront informés des décisions, au plus tard le jeudi 15 octobre 2020.
Pour être éligibles, les projets doivent satisfaire aux conditions suivantes :
Les projets de recherche sont évalués selon les critères suivants :
Après évaluation des dossiers par un comité d’évaluation ad hoc, il pourra être demandé aux équipes retenues que des modifications soient apportées aux projets de recherche et aux budgets initiaux.
Les modalités d'exécution des projets sélectionnés seront précisées par convention entre l’organisme demandeur et le Défenseur des droits. Cette convention prévoit la remise, par l’équipe de recherche, de trois documents :
Le dossier de candidature comprend les documents suivants :
La présentation du projet de recherche (hors annexes éventuelles) ne dépassera pas 15 pages.
Le projet de recherche doit être solidement argumenté et détaillé. Les hypothèses de recherche devront reposer, si elle existe, sur une littérature scientifique solide et un état de l’art de sa problématique.
Les objectifs de la recherche et le dispositif méthodologique seront définis avec précision. En particulier les conditions d'accès au terrain, s’il y a lieu, seront explicitées et devront s’appuyer sur des précautions méthodologiques qui devront être détaillées dans le projet de recherche.
Seront précisés aussi les populations visées, les critères d’inclusion et d’exclusion, la taille des échantillons, les modes de collecte, les traitements statistiques envisagés s’il y a lieu.
Enfin, la durée de la recherche et un calendrier détaillé des différentes étapes d’exécution devront être présentés. Les porteurs de projet veilleront à proposer un calendrier de recherche compatible avec le délai maximal de 18 à 24 mois mentionné ci-dessus et à prévoir la présentation au Défenseur des droits de résultats intermédiaires à partir de premières analyses. Ce calendrier devra tenir compte des délais d’accès aux données.
Le budget sera exposé dans la fiche de renseignements administratifs et financiers.
La collaboration entre plusieurs équipes est possible, surtout si elle apporte une dimension pluridisciplinaire.
Seront présentés l’ensemble des chercheurs devant participer au projet de recherche (nom, qualité, statut, institution ou équipe d'appartenance, liste des principales publications) ainsi que leurs laboratoires d’appartenance.
Le(s) responsable(s) scientifique(s) sera(ont) clairement identifié(s).
Pour chacun des chercheurs associés au projet, un C.V. sera joint au dossier de candidature avec la liste de ses publications scientifiques.
Téléchargez la fiche de renseignements administratifs et financiers.
La partie administrative constitue, pour l’essentiel, une reprise synthétique de certains renseignements contenus dans les deux documents précédents (présentation du projet de recherche et des équipes de recherche).
La partie financière est consacrée au budget prévisionnel de la recherche. La demande de crédits doit être détaillée. Un R.I.B. devra être joint au budget prévisionnel.
Toute autre pièce jugée pertinente pourra être jointe à l'appui de la demande.
Les candidats doivent adresser le dossier de candidature complet par courrier postale ET par voie électronique (format PDF).
La date limite d’envoi des candidatures est fixée au 28 septembre 2020 à minuit. Les dossiers incomplets ne seront pas examinés.
Adresse postale
Défenseur des droits
Direction de la Promotion de l’égalité et de l’accès aux droits
Marielle CHAPPUIS
TSA 90716
75 334 PARIS Cedex 07
Adresse électronique
Le dossier doit être envoyé aux deux personnes ci-dessous :
Un accusé de réception sera envoyé par voie électronique, dans les 48 heures.
En cas de non réception de ce certificat, il appartient au candidat de prendre immédiatement contact avec le pôle responsable de l’animation des études (ci-dessous).
Marielle Chappuis
Responsable de l’animation des études et de l’observatoire du Défenseur des droits
marielle.chappuis@defenseurdesdroits.fr
01.53.29.22.04 ou 61.93